Conférence de presse Corsica Libera 08.04.2022
Après plus d’un mois d’une mobilisation sans précédent du peuple corse tant par sa durée que par son intensité et à quelques jours de l’élection présidentielle en France, Corsica Libera entend livrer publiquement son analyse de la situation politique.
En préambule, nous tenons à assurer la famille d’Yvan Colonna de notre entière solidarité dans son combat pour que la vérité soit faite sur les conditions de son assassinat au sein d’une prison française. Les dernières révélations parues dans la presse attestent encore davantage l’existence d’un véritable mensonge d’Etat, proféré jusque dans l’enceinte de son Assemblée nationale, et de la pleine responsabilité de celui-ci dans cette affaire. La quête de justice et de vérité ne saurait en aucun cas être laissée entre les mains d’un pouvoir politique français qui pratique le mensonge éhonté et d’une autorité judiciaire qui, sous l’influence du pouvoir politique, est trop souvent étrangère à l’idée de justice. Cette quête au contraire doit demeurer celle de tout un peuple, debout sur sa terre, et solidaire du sort funeste fait à l’un de siens.
Il y a quelques jours, alors que des dizaines de milliers de Corses étaient descendus dans les rues de Corti, Bastia puis Aiacciu pour faire valoir leurs droits, le président-candidat français, Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, ont annoncé le gel de toutes discussions tant que le « calme » ne serait pas revenu.
Ces déclarations mettent en évidence tout le cynisme dont a fait preuve Paris depuis le début de ce cycle de mobilisation. À l’évidence, jusqu’à présent, l’Etat français n’a manifesté aucun signe tangible de sa volonté de s’engager dans un « processus à vocation historique » mais a situé son action dans un objectif à court terme de maintien de l’ordre et de gestion de crise médiatique à l’approche des élections présidentielles.
Corsica Libera, comme l’ensemble des Corses, aspire à la paix et à un avenir serein pour notre peuple. Notre mouvement y a d’ailleurs contribué par des actes en soutenant sans ambiguïté « le processus de démilitarisation et de sortie progressive de la clandestinité » annoncé par le FLNC et en recherchant une résolution politique du conflit validée par l’expression de la démocratie corse. Nous demeurons dans cet état d’esprit.
Mais face à une révolte dont les causes sont politiques et résident dans le refus répété de l’Etat français de construire la paix en Corse et de respecter l’expression démocratique, la voie du retour à l’ « apaisement » passe par des actes clairs dans le sens d’une solution qui est également de nature politique et non répressive.
À cet égard, nous voulons alerter solennellement l’opinion publique, en Corse et au-delà, face aux graves dérives des forces répressives ces dernières semaines. L’usage totalement disproportionné d’armes aujourd’hui contestées y compris par le Défenseur des droits français et le commissariat aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe comme les LBD ou les grenades dites « incapacitantes », dont la nature exacte est non identifiée à ce jour, a déjà conduit à déplorer plusieurs blessés graves notamment des jeunes et des mères de famille, gratuitement estropiés et porteurs de séquelles lourdes pour avoir simplement manifesté dans les rues de leur pays. Nous apportons notre total soutien aux blessés et à l’ensemble des victimes de la répression. Plutôt que d’allumer des contrefeux grotesques, nous invitons solennellement les autorités françaises à faire cesser ces pratiques qui relèvent de la violence au sens premier du terme, c’est-à-dire l’abus de la force, avant qu’un nouveau drame irréversible, dont elles porteraient la responsabilité, ne se produise.
Dans les jours et les semaines à venir, le peuple français désignera ses nouveaux responsables. La question nationale corse leur sera de nouveau posée.
Dans cette perspective, Corsica Libera appelle le mouvement national dans son ensemble à rechercher les voies d’un projet commun face à Paris en rejetant toute idée de « préalables » et de « lignes rouges ».
Cet objectif, pour lequel Corsica Libera s’impliquera fortement dans les jours à venir, a vocation à intégrer l’ensemble des forces vives qui adhèrent à la plateforme revendicative portée par le Collectif de Corti créé à l’initiative de la jeunesse et de la communauté universitaire, à savoir :
– la vérité pour Yvan Colonna.
– la libération des prisonniers politiques afin de situer clairement tout processus dans une volonté de résolution d’un conflit de plusieurs décennies qui a généré des centaines d’années de prison et malheureusement des morts.
– la reconnaissance du peuple corse et de ses droits.
Pour Corsica Libera, ce dernier point implique un processus politique qui garantisse :
– Le droit du peuple corse à sauvegarder sa langue par un statut de coofficialité, alors que le taux de transmission entre générations n’est plus que de 2%.
– Le droit du peuple corse à vivre et à travailler sur sa terre par l’instauration d’une citoyenneté corse qui permette de favoriser l’accès à l’emploi au bénéfice des Corses et de réserver l’accès à la propriété sur un critère de résidence. Ce, alors que les prix du foncier explosent (+ de 138% en 10 ans) et que la décorsisation des emplois s’accélère sous une pression démographique exponentielle (près de 100.000 nouveaux habitants en moins de vingt ans).
– Le droit du peuple corse à choisir lui-même son modèle de développement économique, social, culturel et environnemental par la dévolution du pouvoir législatif. Contrairement à ce que prétendent les tenants du statu quo, c’est bien l’exercice du pouvoir de voter nos propres lois et non le maintien en situation de dépendance qui permettra d’apporter les réponses adaptées aux attentes quotidiennes des Corses.
Nous considérons que ces mesures d’urgence pour le peuple corse doivent impérativement être portées par le mouvement national comme un objectif à atteindre lors de la prochaine négociation, dans une temporalité de court terme, et non comme des aspirations qui pourraient s’accommoder d’un « temps long ».
Signifier cela ne consiste pas à s’inscrire dans une logique de surenchère mais à identifier le niveau d’avancées dont la Corse et son peuple ont besoin pour continuer à exister. Ces revendications ne sont, par ailleurs, pas moins que ce que les élus de la Corse ont voté de façon majoritaire depuis des années, y compris sous une mandature – de 2010 à 2015 – qui n’était pas nationaliste. Y renoncer conduirait à situer toute éventuelle amorce de discussion dans le cadre d’une simple réformette du statut particulier.
Corsica Libera entend participer pleinement à la recherche d’une solution politique par la force de ses propositions et par sa capacité de mobilisation qui, à l’évidence, doit se poursuivre dans l’action collective.
Pour terminer, Corsica Libera invite tous les Corses qui se reconnaissent dans l’idée nationale à ne pas se rendre aux urnes ce dimanche pour le premier tour de l’élection présidentielle française. Pour nous, cette position n’a rien d’une nouveauté, elle s’inscrit dans la constance de notre engagement indépendantiste. Au regard du contexte actuel, cette position gagne encore en cohérence. Face au mépris de Paris à l’égard du peuple corse et la démocratie corse, il nous semble totalement contre-productif de cautionner l’apparence de l’existence d’une démocratie française sur la terre de Corse.