Spéculation à San Ghjuvanni : Les corses chassés mécaniquement de leur terre par l’argent
Dans un contexte où la dépossession financière ne cesse de s’accélérer et alors, qu’en corollaire, les Corses se voient mécaniquement chassés de leur propre terre par le pouvoir de l’argent, l’affaire de la vente, plus ou moins clandestine, des deux terrains dans le secteur de Sperone (San Ghjuvanni) est symptomatique d’une tendance de fond qui appelle un sursaut populaire et une réponse politique à la hauteur des enjeux.
Alors qu’en 2014, la grande majorité des élus de la Corse, de diverses tendances, votaient solennellement pour l’instauration d’un statut de résident – prélude d’une citoyenneté corse du point de vue qui est le nôtre – censé mettre un frein aux dérives liées à la spéculation foncière et immobilière, les mécanismes de marchandisation de la terre au profit d’intérêts étrangers à la Corse ne cessent de prospérer sous le regard bienveillant de Paris mais malheureusement aussi, et nous le déplorons depuis longtemps, des instances corses de gestion.
Cette bienveillance à l’égard du tsunami spéculatif que subit la Corse se manifestait jusqu’alors par un refus systématique de toute mesure de nature politique allant dans le sens de la protection du patrimoine foncier des Corses.
Dans l’affaire des terrains de Sperone, l’Etat français se rend, de surcroît, coupable d’une complicité active en cédant des parcelles à un prix anormalement bas (3€ le m² soit 100 fois moins que le prix moyen sur le secteur) à des privés, prélude à une revente immédiate au profit d’une société dirigée par un banquier d’affaires.
A travers ce dossier, dénoncé légitimement par la chambre d’agriculture, ce sont, plus largement, les maux récurrents auxquels est confronté notre pays qui sont mis en lumière : la financiarisation de la terre corse au travers de sociétés-écrans, la prédation des espaces remarquables à potentialité agricole, l’opacité totale quant aux conditions d’occupation de la terre corse par l’armée française, les liens entre le bénéficiaire de la vente et le pouvoir politique, la disparition programmée de notre peuple chassé de sa propre terre par la masse de nouveaux arrivants.
Notre sentiment n’est pas seulement celui, légitime, de l’inquiétude, mais plus fortement et peut-être plus douloureusement, celui du déjà vécu. Une impression de revenir à cette époque des années 60 où la France devait recaser ses colons agricoles. Et la terre corse devint terre bénite.
Aujourd’hui ce sont des colons investisseurs qui sont, sournoisement, imposés et, évidemment, avec des conséquences encore plus graves.
Les vignes ont été certes arrachées. Qu’en sera-t-il des lotissements programmés ?
Corsica Libera continuera de s’opposer fermement à ces logiques.
Dans cette affaire, en particulier, nous appelons les pouvoirs publics corses à faire obstacle aux manœuvres en cours par tous les moyens à leur disposition, et notamment, à la suite de la SAFER, par le biais du droit de préemption dont peuvent disposer respectivement la commune, le Conservatoire du littoral et la Collectivité de Corse au titre des Espaces naturels sensibles (ENS).
L’Etat français, dont ce serait théoriquement le rôle officiel, n’a sans doute aucune intention de faire toute la lumière sur les conditions d’occupation et de cession des biens de l’armée.
Mais nous saurons nous mobiliser afin que ceux-ci reviennent aux mains de l’intérêt public corse dans des conditions aussi favorables que celles qui sont appliquées à Sperone !
Enfin, Corsica Libera appelle ses militants, sympathisants et l’ensemble des Corses à s’investir dorénavant au quotidien et de façon plus efficace pour exprimer notre sentiment politique sur ce type de spéculations camouflées qui seront, à terme, mortifères pour notre peuple.
Il en va de notre responsabilité et de notre devoir.