Rapport “autonomia“ : notre position
Corsica Libera a pris connaissance du rapport du Président du conseil exécutif de Corse intitulé « Autonomia » qui sera soumis au vote de l‘Assemblée de Corse ce mardi 4 juillet.
En dépit des nombreux appels à l‘ « unité nationale » ou à la « convergence patriotique », les conditions ne sont, à ce jour, pas réunies afin que nous participions à un éventuel consensus.
Cette position n‘est nullement dictée par une quelconque forme de ressentiment – ce sentiment nous est étranger – comme d‘aucuns l‘avancent chaque fois que nous ne validons pas aveuglément des démarches que nous considérons comme contraires aux intérêts de la Corse. Notre attitude repose exclusivement sur des considérations d‘ordre politique que nous assumons face aux Corses.
Du point de vue de la méthode, ce projet intervient après un an de discussions avec le ministre de l‘intérieur français Gérald Darmanin sans qu‘aucun travail commun aux nationalistes, et plus largement à l‘ensemble des forces politiques corses, n‘ait été engagé par la majorité territoriale. Par ailleurs, avant même le vote de l‘Assemblée de Corse, le document a déjà été transmis au gouvernement français par le Président du conseil exécutif de Corse, ce qui rend le débat caduc. À cela s‘ajoute, dans l‘indifférence complète de la classe politique corse, la poursuite de la répression à l‘égard du courant de la lutte de libération nationale, en contradiction avec tout processus de résolution du conflit.
Mais au-delà de ces aspects, ce sont les questions de fond qui sont pour nous déterminantes.
À ce sujet, si l‘on peut noter la prise en compte tardive et édulcorée de certaines revendications que notre courant a défendu seul ces derniers mois, notamment devant les représentants de l‘Etat français (dévolution du pouvoir législatif et du pouvoir fiscal, coofficialité, statut de résident), le rapport proposé ne peut nous satisfaire pour une raison simple : il continue d‘avaliser la politique des « lignes rouges » de nature politique et juridique imposées par Paris dès mars 2022.
D‘ailleurs lesdites « lignes rouges » sont reprises mot pour mot au sein rapport du Président du conseil exécutif qui affirme que les propositions formulées ont vocation à être concrétisées tout en respectant les deux principes « intangibles » rappelés par le Ministre de l‘Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, au nom du Président de la République : « La Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens » (p. 17).
Cet état de fait implique deux conséquences majeures :
1/ Ces lignes rouges ferment explicitement la porte :
- À la reconnaissance d‘une citoyenneté corse, similaire à celle qui existe en Kanaky, et qui permettrait de réserver aux Corses l‘accès à la terre et aux biens immobiliers ainsi qu‘aux listes électorales et à leur donner une priorité à l‘emploi dans leur pays. Face aux phénomènes de colonisation de peuplement, de spéculation immobilière et de décorsisation systématique de tous les pans de la société corse, cette mesure est capitale pour l‘avenir de notre peuple.
- À la reconnaissance du peuple corse et de ses droits nationaux, au premier rang desquels, le droit à l‘autodétermination. En tant qu‘indépendantistes, considérer que « la Corse dans la République » constitue un « principe intangible » est une chose impensable. D‘ailleurs, lors des précédents votes sur l‘évolution statutaire, jamais les élus du clan traditionnel n‘avaient intégré un tel préalable lorsqu‘ils recherchaient l‘adhésion des forces du mouvement national.
2/ Ces lignes rouges rendent totalement illusoires d‘autres notions qui figurent au rapport, à savoir le statut de résident, la coofficialité ou encore la reconnaissance du peuple corse. D‘ailleurs, le rapport du Président du conseil exécutif reste très ambigu sur l‘inclusion réelle de ces revendications dans le projet final.
Il s‘agit donc d‘un texte en trompe-l‘oeil qui donne l‘illusion de la prise en compte d‘un socle national tout en acceptant le cadre imposé par l‘Etat français et qui se situe au niveau d‘une simple décentralisation améliorée.
D‘ailleurs, depuis maintenant plus d‘un an, l‘ensemble des discussions entre la Place Beauvau et la majorité territoriale s‘est situé sur un plan purement technique sans jamais aborder ces questions politiques de fond.
En conséquence, par devoir de vérité à l‘égard des Corses, Corsica Libera continuera d‘affirmer dans le débat à l‘Assemblée de Corse, et par la suite, qu‘il ne peut y avoir de solution politique réelle tant que les « lignes rouges » figurant au protocole signé le 17 mars 2022 entre Gilles Simeoni et Gérald Darmanin ne seront pas abrogées.
À ce moment là, tous les espoirs seront permis afin de pouvoir porter, dans l‘unité, un projet national corse.