Associu Corsu di a Salute : Conférence de presse du 25/06/2020
Associu Corsu di a Salute
Conférence de presse du 25/06/2020
L’Associu Corsu di a Salute tient avant tout à apporter son entier soutien aux personnels de Santé en lutte. La crise sanitaire actuelle a mis en lumière et exacerbé des difficultés, déjà bien connues, concernant les mauvaises conditions de travail et le manque de moyens dans des secteurs vitaux.
Des solutions existent, adaptées à la Corse. Des orientations que nous préconisons depuis longtemps sont de nature à répondre à ces exigences de plus en plus pressantes. Elles doivent être pérennes et conformes aux besoins réels des patients et de ceux qui s’occupent d’eux au quotidien.
Mais, au delà des soignants, nous voulons aussi remercier toutes celles et ceux, qui ont fait preuve d’une solidarité exemplaire en ces moments difficiles. Ces gestes, qui alliaient souvent créativité et générosité, ont été nombreux et méritent d’être salués.
Ainsi, le 8 mai dernier nous remerciions le Fablab de Bastia et le “Mouvement des jeunes corses contre le COVID”, pour sa dotation faite par l’intermédiaire de notre association à l’Ordre des Médecins de Haute Corse de 70 visières de protection destinées aux médecins.
Aujourd’hui, après de nombreuses semaines d’attente, et de formalités administratives ou douanières interminables, l’Associu Corsu di a Salute a reçu la donation de 201200 masques de protection (194000 masques chirurgicaux et 7200 masques ffp2), de la part de Monsieur Cédric Varasteh Président d’ ETC-développement. Nous lui adressons ici nos plus vifs remerciements, ainsi qu’à Pierre Paoli, Président du Boxing Club Ajaccien et membre du Scagnu Naziunale de Corsica Libera sans l’aide duquel cette opération n’aurait pu être réalisée.
Ces masques seront distribués en priorité aux professionnels de Santé qui auraient été le moins bien desservis jusqu’ici et à l’associu Sulidarità. Nous prendrons contact à ces fins avec l’Ordre des Médecins et le fonds Corsica Sulidaria de l’Assemblée de Corse.
Covid 19 en Corse: premiers enseignements de la pandémie
Faire front face à l’épidémie
Le rapport présenté le 27 mars par le Président de l’Assemblée, intitulé « Luttà contr’à u Covid-19 », s’appuyant sur les préconisations de médecins et de chercheurs corses, décrivait une feuille de route cohérente, potentiellement efficace, un véritable cap à tenir dans la tourmente. Et la Corse, il faut le souligner, s’est mobilisée, a retrouvé des réflexes de solidarité et une certaine synergie dans la réflexion et l’action des divers intervenants, sans lesquels le bilan de l’épidémie aurait sans doute été plus lourd aujourd’hui.
Dès le 19 mars, Jean Guy Talamoni avait écrit au Directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé pour mettre en lumière les carences de Paris dans la lutte contre le Covid 19 et réclamer pour la Corse la généralisation des tests. Il s’en expliquait en ces termes: « La France s’apprête à diminuer fortement les tests de dépistage du coronavirus. Cette décision est contraire à l’attitude de tous les pays ayant eu à ce jour des résultats positifs dans leur lutte contre l’épidémie, ainsi qu’aux préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé. (…) La décision de réduire les tests constitue manifestement une lourde faute alors que de l’avis général, il faudrait leur donner un caractère massif. La Corse ne peut, dans une situation de cette gravité, être soumise à des décisions incompréhensibles prises à Paris ne prenant en compte ni le caractère aigu de la contamination sévissant dans l’île, ni l’avis des institutions internationales. »
Le 20 mars, une pétition était lancée par l’Associu Corsu di a Salute, à l’initiative de plusieurs professionnels de Santé, préconisant la massification des tests, à l’instar de ce qui se pratiquait déjà dans certains pays avec des résultats très positifs (Corée du Sud, Allemagne, Israël, notamment). Au bout de quatre jours seulement les 5 000 signatures étaient acquises, et l’on passerait rapidement à plus de 10 000.
Le 25 mars, l’Université de Corse adressait à l’ARS une sollicitation pour que le laboratoire de virologie de l’Università puisse participer au dépistage du COVID 19. La plateforme de biologie moléculaire de ce laboratoire P2+ permettrait le traitement de plus de 200 échantillons supplémentaires par jour.
Au regard de la situation, l’urgence absolue de réaliser des tests de dépistage à grande échelle paraissait évidente pour tous. La mobilisation de l’Université de Corse, l’investissement des laboratoires insulaires, et l’action convergente des soignants ont été ici déterminantes, face aux pesanteurs administratives. Ces dernières ont sans conteste été un frein dont les conséquences mériteraient d’être évaluées.
Ainsi, malgré les demandes des acteurs de Santé, des scientifiques, et des institutions de la Corse, formulées dès le mois de février, il a fallu attendre le 17 mars pour que l’administration d’Etat autorise la restriction des flux de passagers depuis la France et l’Italie, et la fin du même mois pour que les tests puissent être interprétés.
Aujourd’hui, la Corse réclame depuis des mois une étude de séroprévalence fondée sur des tirages aléatoires. Cette méthode, apparemment boudée par les autorités françaises est la seule susceptible de donner un résultat fiable quant à la séroprévalence réelle au coronavirus dans la population. C’est une donnée importante, encore une des choses par lesquelles il fallait commencer, afin d’établir une stratégie de prévention efficace.
Mais le dossier est apparemment toujours en souffrance à la CPAM/CNAM qui bloque, pour des raisons peu compréhensible, l’utilisation de sa database, indispensable pour l’échantillonnage nécessaire.
Instinctivement, sans forcément en avoir pleinement conscience, les différents acteurs ont compris que seuls les efforts conjugués de tous, et une véritable solidarité nationale corse, nous permettraient d’éviter le pire.
Toutes les initiatives concrètes, utiles, vitales, émanant de la société corse semblaient se heurter à une inertie incompréhensible, alors que l’urgence était là. On peut admettre que tout n’ait pas été faisable ou prévisible. Mais empêcher d’agir lorsque c’est possible et nécessaire est typique d’un système étranger que nous subissons depuis trop longtemps, dans tous les domaines. Mais qui ne se remettra jamais en question sans y être obligé.
Pour un déconfinement réussi, piloté par la Corse
La Corse devrait pouvoir piloter également la phase de déconfinement où les enjeux sont majeurs à partir d’un plan spécifique, correspondant à des données évaluées sur place par les Corses eux-mêmes et non à partir de critères fragiles et inadaptés.
L’acceptabilité sociale, l’adhésion de la population, la confiance et la responsabilité sont les principaux ressorts de la prévention, là où elle est efficace. C’est notre proximité – et ce n’est là qu’un paradoxe apparent – qui a permis de faire respecter certaines mesures de distanciation sociale.
Grâce à une logistique familiale et une solidarité qui – n’en déplaise aux adeptes d’un certain masochisme poussant au dénigrement perpétuel de leur propre peuple – existent encore, bel et bien, chez nous, les gens ne se sont pas sentis abandonnés. Toutes et tous ont bien compris qu’il s’agissait avant tout de se protéger les uns les autres et que les liens profonds, réels, ne seraient pas distendus pour autant.
Mais ces subtilités et cette connaissance du terrain échappent le plus souvent aux grilles de lectures étrangères qui tendent à appliquer partout des recettes qui ne fonctionneront bientôt plus nulle part.
Des exemples à l’international:
Quand l’indépendance libère énergie et réactivité
En résumé, on retiendra que dans la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid 19, la Corse a été privée de marge de manœuvre pour appliquer sa propre feuille de route, comme l’ont fait avec succès des pays indépendants qui sont aussi des îles.
Aux alentours du 20 mai, la situation de certains d’entre eux est édifiante. Taïwan, malgré sa proximité avec la Chine, principal foyer en Asie compte 7 décès dûs au Covid 19 pour plus de 23 millions d’habitants. Malte, à côté de la Sicile et de l’Italie, principal foyer en Europe: 6 décès pour 425 400 habitants. Chypre: 17 décès pour 1 230 000 habitants. Islande: 10 décès pour 341 000 habitants. Singapour: 23 décès sur 6 170 000 habitants.
Ces nations ont pu prendre rapidement les mesures qui s’imposaient, allant du dépistage massif à l’arrêt précoce des communications avec l’extérieur. À titre de comparaison, en Corse, où l’on compte, au même moment, 72 décès en relation avec le Covid 19 pour 335 000 âmes, on arrive à un chiffre de 2,15 pour 10 000 habitants. Ce taux est de 0,003 à Taïwan, 0,037 à Singapour, 0,14 à Malte et Chypre, 0,29 en Islande. On peut en conclure qu’en Corse, par habitant, on a un risque de mortalité par le coronavirus 7,4 fois plus élevé qu’en Islande, 15 fois plus qu’à Malte ou Chypre, 58 fois plus qu’à Singapour, 717 fois plus qu’à Taïwan.
Taiwan, Malte, Chypre, l’Islande… Toutes ces îles ont, jusqu’ici, contenu l’épidémie, souvent mieux que partout ailleurs, alors que certaines d’entre elles sont proches des plus gros foyers de la pandémie (Chine, Italie). Sans aucun doute parce qu’elles ont pu prendre, de manière logique et souveraine, des mesures cohérentes, en temps voulu: dépistage massif dès le début (en Islande le dépistage a commencé un mois avant que le premier cas ne se déclare), approche ciblée, suspension temporaire des relations maritimes et aériennes avec l’extérieur, connaissance rapide de la prévalence de la maladie, etc…
À la différence de la Corse, ces nations n’étaient pas soumises, elles, au diktat bureaucratique d’une tutelle dont les lourdeurs administratives, surtout en temps de crise, sont un frein à toute réactivité adaptée.
La logique paradoxale à laquelle nous sommes confrontés est celle d’un État central qui tente en permanence de compenser ses défaillances par une omniprésence et un contrôle délétère de réalités humaines qui, dans les faits, inéluctablement, lui échappent chaque jour davantage. Son seul objectif étant de ne pas perdre la main. Ainsi, le rôle des ARS, véritables préfectures de santé, aux antipodes d’une vision souple, décentralisée, et adaptée aux territoires, est remise en question même au sein de l’hexagone.
Objectifs des combats à venir:
Pour une nouvelle organisation de la Santé en Corse
En dépit de ces constatations, cette pandémie n’a pas eu, pour l’heure, les conséquences cataclysmiques que certaines modélisations mathématiques prévoyaient. Mais, en ce qui nous concerne, elle a mis, une fois de plus, en évidence le besoin urgent d’une organisation cohérente et efficiente, qui va de l’évaluation à la réponse aux besoins de Santé réels.
François Benedetti, médecin et élu Corsica Libera à l’Assemblée de Corse nous le rappelle, en pointant les objectifs des combats à venir:
« Si les conséquences socio-économiques de la crise sanitaire vont être gravissimes pour la Corse, l’épidémie n’a pas été aussi lourde que nous le craignions.
En dehors de certaines régions, notamment le cluster d’Aiacciu ou la Balagne, notre île n’a pas été frappée par la vague épidémique annoncée.
Sans mettre en cause le dévouement et les compétences des médecins et paramédicaux des CH d’Aiacciu et Bastia, où des résultats remarquables ont été obtenus, l’absence d’un CHU multi sites dans notre île a révélé les méfaits de notre dépendance sanitaire.
Je n’ose pas imaginer un pic d’infection touchant des centaines, voire des milliers de personnes en Corse …!
Les lenteurs administratives de l’Etat, l’inefficacité chronique de l’ARS ont pesé sur l’urgence des mesures de protection qu’il aurait fallu prendre pour notre pays.
Paradoxalement les ARS sont remises en cause dans toute la France sauf en Corse !
La CDC, n’ayant pas de réelle compétence dans ce domaine, est souvent contrainte à faire un copier-coller « du Plan Régional de Santé » proposé par l’ARS, certes après concertation, mais avec des budgets nettement insuffisants pour le réaliser.
Il est urgent que la Corse bénéficie d’un transfert des compétences sanitaires.
Il est donc nécessaire de demander la mise en place d’une politique de santé qui vise à la création d’une Assistance Publique des Hôpitaux de Corse en y associant, bien sûr, les établissements privés d’Aiacciu, Bastia et Porti Vechju.
Un « Collectif pour un CHU en Corse » , devrait être constitué très prochainement.( La Corse étant la seule région, DOM-TOM compris, à ne pas être dotée de ce type de structure d’offre de soins de haut niveau . ) ! »
(François Benedetti 21/05/2020).
La semaine dernière, le rapport présenté par le Président Jean Guy Talamoni, comme contribution au « Ségur de la Santé », établit une liste de sept objectifs qui représentent autant de sujets de mobilisation pour l’avenir, afin de pallier les carences actuelles, et de construire le système de Santé dont la Corse a besoin. Ils sont pour nous prioritaires et nous soutiendrons toutes les initiatives qui participeront à les atteindre le plus rapidement possible:
- construction d’une stratégie territoriale de la santé coordonnée
- création d’un CHR-U multi-site et d’une Assistance Publique Corse à conseil de surveillance unique
- transfert de la compétence santé à la Collectivité de Corse.
- valorisation des compétences, des formations et des rémunérations des personnels de santé
- autonomisation du régime d’assurance maladie (exemple de l’Alsace-Moselle) (1)
- reconnaissance du surcoût de fonctionnement des structures hospitalières lié à l’insularité (2)
- assurance de l’équité dans l’accès aux soins.
Un CHU pour la Corse: le contexte actuel fait plus que jamais la démonstration de sa nécessité. Mais certains continuent à avoir d’autres priorités, d’autres projets, qui engloutissent l’argent public, et ne répondent à aucune logique de développement réel , oubliant que la Santé, l’Education et la Culture sont des piliers essentiels, y compris pour la vraie économie, celle qui assure l’avenir d’un peuple libre sur sa terre.
(1) Le régime de sécurité sociale d’Alsace-Moselle est un héritage de l’administration allemande conservé lors de l’annexion française de la région (résultant de l’instauration, en 1883 dans l’Empire Allemand auquel elle appartenait depuis 1870, du régime “bismarckien” d’assurance-maladie pour les tous salariés). Alors que le dispositif global français atteint des sommets en termes de déficit, en 2011, cette complémentaire santé avait enregistré un bénéfice de 5 millions d’euros, et fait toujours figure d’exception en termes d’optimisation des dépenses et d’équilibre budgétaire.
Son succès réside essentiellement dans son autonomie, son adaptabilité (taux de cotisation fixé en fonction de l’évolution prévisionnelle des dépenses), la rigueur et le moindre coût de sa gestion.
(2) À titre d’exemple, on rappellera qu’en 2015 on avait prévu de gérer la modernisation dont a grand besoin l’Hôpital de Bastia d’une drôle de façon.
Le coût de celle-ci avait été évaluée à 70M€.
L’ARS proposait alors de financer ce plan à hauteur de 29M€ et demandait à l’hôpital d’emprunter le reste alors que ce dernier n’a que très peu de capacités d’autofinancement, ce qui s’explique par le refus de l’Etat d’augmenter le coefficient géographique à un minimum de 15% pour la Corse (alors que les DOM TOM sont entre 25% et 35% par exemple, et que la Corse avait, au départ, le même coefficient géographique que l’Île de France. Partie de 5% en 2009, elle est péniblement passée à 8% en 2012 et 11% depuis 2017).
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